deux-mille vingt-cinq

ma petite vie ordinaire au jour le jour, mes petites pensées, mes petits textes
je créerai peut-être des pages indépendantes pour les passages qui me semblent plus "universalisables", dépassant le contexte d'un journal

14/01

Vu ce matin, sur le chemin, un agent de la ville finir d'effacer un tag sur la façade du bâtiment de la métropole. Je me demande bien ce que ça disait.

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J'ai une terrible fascination pour internet qui a commencé très tôt et ne s'arrêtera sûrement qu'à la disparition du dernier serveur (quand les chevaux sauvages parcourront les avenues désertes de nos villes, et que nous serons réfugié·es dans des hlm troglodytes, pour survivre au chaos ardent qui déjà infuse tous les degrés de nos existences).

Cette fascination me pousse souvent à explorer des territoires marginaux et oubliés. Je me surprends à errer sur des blogs que je trouve je ne sais comment, et que je déterre éhontément, comme un archéologue anglais des vestiges égyptiens. Ce soir, c'était celui-ci. Il est très brumeux, et très touchant. J'ai d'abord été pris par la mention de Mortiis, puis de Sarreguemines et de certains toponymes alsaciens - des choses que je connais peu, mais qui me sont tout de même familières, et qui ont retenu mon attention ; puis par les photographies furtives d'une vie personnelle inconnue (qui m'ont fait penser à un roman de Nicolas Mathieu) : les photos de sa chambre à la fin des années 90. De sa première communion. Ce genre de choses, ça me fait rêver et ça m'angoisse tout à la fois, déjà quand il s'agit de moi-même ; alors, quand en plus ça concerne quelqu'un que je ne connais absolument pas, et dont la réalité est pour ainci dire incertaine - il y a malgré tout peu d'informations, il pourrait tout autant s'agir d'une vie inventée - la fascination est puissante.

Enfin quoi, il y a d'autres gens qui existent en-dehors de moi-même et des gens que je connais ? Il y a des inconnu·es, qui mènent une existence réelle et complète, au-delà d'un regard un peu vide croisé un quart de seconde dans la rue, d'une démarche hâtive sous les premières gouttes de pluie ?

Ça paraît évident, et complètement débile, mais c'est quand même vertigineux, quand on se penche sérieusement sur la question.
Ce doit être pour ça que j'aime autant les blogs et les pages personnelles, et plus généralement cette manière de pratiquer internet, cet art de vivre en ligne : le rapport au temps n'est pas le même que sur les réseaux dits sociaux, ou dans des messageries.
Les choses restent un peu plus dans le temps (même si, contrairement à ce qu'on dit souvent, tout ne reste pas éternellement sur internet - la fin d'un hébergeur, la suppression arbitraire d'un site peuvent survenir à n'importe quel moment, et l'on ne sait jamais quels vestiges on va laisser derrière soi).
Tout est un peu plus concret, un peu plus organique. J'ai le sentiment bizarre d'avoir un peu plus affaire à des êtres humains, ou en tout cas de me rapprocher un peu plus d'un partage personnel de l'expérience humaine.

Dans tous les articles et manifestes que j'ai pu lire sur ces questions, peu évoquent le rôle de la nostalgie, hormis pour regretter un temps passé et souhaiter un retour de cette époque. Mais le sentiment de nostalgie lui-même a disparu des espaces mainstream d'internet. Sur les principales plateformes, où tout est instantané et éphémère, il n'y a plus aucune place pour ce snetiment : comment regretter quoi que ce soit, quand chaque information est remplacée par une autre dans la seconde ? Or j'ai besoin de ce sentiment.
Ma pensée, comme toute pensée, a besoin d'espace et de temps, d'une respiration entre les moments de silence et de vide, et les moments d'apprentissage ou de création. Ce souffle est souvent étouffé sur instagram, sur facebook, sur twitter (et il le serait tout autant sur les alternatives qu'on nous propose). Je pense que c'est voulu, et je pense que ça a été réfléchi - pour tout un tas de raisons, économiques surtout.
Certains me diront : skill issue. Et iels n'auront pas tout à fait tort : je l'admets, je suis faible et j'ai passé, je passe beaucoup plus de temps que je ne voudrais sur certaines plateformes. Mais justement, je pense que ça ne sert à rien de batailler plus longtemps face à des pièges savamment élaborés, et que le mieux à faire est de battre en retraite.
J'ai besoin de la nostalgie. Non pas pour regretter un âge d'or perdu (je ne sais que trop bien que ça n'existe pas), mais pour tendre vers un avenir un peu meilleur. Pour rêver. Je veux rêver sur internet. Je veux que les gens rêvent, et se rappellent que ces espaces virtuels peuvent être à eux, qu'ils peuvent en faire tout ce qu'ils veulent.

Le souvenir vague me revient de mon frère, qui avait codé un petit site pour référencer ses lectures, un genre de senscritique/booknode/letterboxd avant l'heure : j'étais admiratifve de voir qu'on pouvait soi-même bidouiller et se construire de nouveaux espaces. Au fond, c'est ce sentiment là que j'essaie de faire naître et de propager.
Je vais bientôt quitter facebook et instagram pour de bon (sûrement fin février, histoire de prévenir un peu tout le monde et de faire encore un peu de com pour les concerts à venir), et je ne compte pas rejoindre d'autres réseaux. Ce blog pour assouvir mon besoin de représentation, les mails, forums et sms pour garder contact avec celleux à qui je tiens, tout un tas de blogs à lire, ça m'occupera bien assez devant l'écran - et derrière : le CAPES qui s'approche, l'écriture, la musique, la centaine de livres qui m'attendent patiemment.

Prenez le temps de naviguer, au sens propre, sur internet, laissez-vous porter par l'intuition et l'hypertexte, à la découverte de ce que l'autre a à offrir. Le reste n'a que peu d'importance.

12/01

Hier soir : revu pour la énième fois La maman et la putain. Film toujours aussi important et intense, mais mes affections ont changé : je n'apprécie plus les mêmes personnages (Alexandre-Léaud est un énorme débile, Marie-Laffont me fait bien plus de peine qu'avant). Je vois un peu ça comme un film d'incel, et d'incel alcoolique, maintenant... Pour autant, un film crucial, sur mai 68 et après ; beaucoup de choses à dire sur aujourd'hui (rapport au cul, aux autres, au monde). Film d'une amertume sans nom, "avec une vieille odeur de maladie et de pourriture qui se trimballe"...

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Savoir être saisi.e sans être dupe : aimer Eustache, Godard, Rohmer au premier degré, c'est un truc de P.N.(many such cases) : mais ne pas les supporter du tout, c'est tout aussi douteux.

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Un peu honte de ce que je raconte. J'espère que les prochains jours/semaines/mois/années seront plus intéressants.

11/01

Bibliothèque : encore oublié mon chargeur de PC, et bien sûr je m'en rends compte au moment où il faut le brancher. Je suis d'une stupidité exemplaire.

10/01

Enfin de nouvelles journées entières d'étude - un sain épuisement, de vraies découvertes, à nouveau l'impression de pouvoir faire un jour quelque chose. La parole me revient peu à peu.

Après tout, peut-être que je ne suis pas fait·e pour le salariat, mais pour le bachotage (tout en restant médiocre au sens propre, c'est-à-dire dans la moyenne). J'aimerais tant être de ces éternels étudiants, écrire trois thèses et vingt mémoires, ne jamais bosser et mourir à 70 ans alors que j'attaque une L2 dans une toute nouvelle discipline. (Ce qui de toute manière est difficilement réalisable : je n'ose même pas imaginer l'état de l'université et de l'éducation nationale dans 50 ans, après des décennies de néolibéralisme réactionnaire - sans parler de l'état plus général du monde : pas sûr que nous soyons encore là... bref)

Découvert par hasard Victor Basch, dont j'ai survolé la bio wiki : cofondateur de la Ligue des Droits de l'Homme, philosophe spécialiste de l'esthétique et de Kant notamment, antifasciste acharné, socialiste convaincu... C'est une vie fascinante et inspirante par bien des côtés. Je me demande ce qu'il dirait aujourd'hui, par rapport à.. tout plein de sujets.
Je vois qu'il a également défendu le mouvement sioniste début vingtième, et je repense à Finkielkraut, Woessner, Fourest, Enthoven : on a les sionistes qu'on mérite.

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En faisant des recherches sur les mythes des Terres Australes à la Renaissance (par rapport aux """grandes découvertes""" - on ne mettra jamais assez de guillemets - et Jean de Léry que je dois étudier), je suis tombé sur ce roman : La Terre australe connue de Gabriel de Foigny. Roman utopique, décrivant une société d'êtres hermaphrodites vivant en harmonie, parmi lesquels vit le protagoniste. Assez étonnant pour l'époque ; de manière générale, les utopies représentent un lore fascinant : beaucoup d'oeuvres méconnues, de très grandes idées. Je me demande si Ursula le Guin connaissait ce roman, qui a pu l'inspirer pour La main gauche de la nuit.

07/01

Jean-Marie Le Pen est mort. A part ça, journée laborieuse : je me suis réveillé bien trop tard, pour me rendre compte que mon téléphone ne chargeait plus. Allin m'a filé ses vieux téléphones, mais je n'ai pas pu transférer la sim et je ne sais pas si ça va marcher. Je suis allé à la bibliothèque bien plus tard que prévu, en oubliant le chargeur de mon pc. J'ai plus rien à étudier puisque je n'ai pas pu imprimer les cours, et je me retrouve à lire les fabliaux (ce que j'aurais pu faire à la maison), avec pour seul musique mon voisin qui mange une pomme, les lycéen·nes qui chuchotent, et des vieux qui toussent. Je mesure l'étendu du travail qui me reste pour ces deux prochains mois et la panique me gagne. Tant pis. Ca va pas m'empêcher de passer les concours en prétendant savoir, de faire de la musique et d'écrire, en un mot : faire semblant de (sur)vivre.

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J'ai lu l'autre jour Le Double Rimbaud de Segalen, pour compléter mes révisions maladives du capes, qui m'a beaucoup touché·e (peut-être bien plus que les poèmes de Rimbaud eux-mêmes). C'est assez fort, notamment sur "l'ipséisme", cette tendance (obsessive chez Rimbaud) à n'employer que des images personnelles, à ne parler que son propre langage :

Ne cherchons pas à comprendre. Comprendre est leplus souvent en art un jeu puéril et naïf, l'aveu d'une sensibilité ralentie, la revanche intellectuelle du spectateur atteint d'anesthésie artistique. Celui qui ne comprend pas et s'obstine à comprendre, est, a priori, celui qui ne sent pas. Le même, après lecture de Mystique, hochera la tête interrogativement et devant une toile imprévue cherchera, sur le bord du cadre, l'indication du "sujet" en murmurant : "Qu'est-ce que ça peut bien représenter ?" - Néanmoins, à défaut de légendes, d'explications, de clefs, à défaut de symboles concrets et parlants, on est en droit de réclamer du peintre exposant son oeuvre, ou de l'écrivain donnant le bon à tirer, une certaine part de joie, un sursaut, une petite angoisse douce, un éveil d'énergie, une suggestion ou, plus simplement, une sensation.
Or, beaucoup de pages, dans l'oeuvre de Rimbaud, restent à cet égard, pour nous, inertes. Ni la beauté des vocables, ni la richesse du nombre, ni l'imprévu des voltes d'images, rien ne parvient à nous émouvoir, bien que tout, en ces proses, frissonne de sensbilité. Pourquoi cette impuissance ? C'est que parmi les diverses conceptions d'un être sentant, seules nous émeuvent les données
généralisables auxquelles nos propres souvenirs peuvent s'analogier, s'accrocher. Le reste, évocations personnelles, associations d'idées que les incidents de la vie mentale ont créées dans un cerveau et jamais dans les autres, cela est en art lettre mrote. Or, les proses de Rimbaud surabondent en "ipséismes" de ce genre. Elles en sont obstinément tissées : Les Illuminations devaient être, pour leur auteur, des notations singulièrement précieuses de ses émotions d'enfant. Parmi les Poésies elles-mêmes, nombreux sont les exemples semblables. On eut tort de les étendre, de les déployerà l'appui de tentatives esthétiques. Le sonnet intitulé Voyelles, indûment prôné comme une théorie d'art synesthésique, n'est, en réalité, qu'un rappel adolescent de premières sensations.
Ses proses et ses vers ne furent donc en grande partie pour Rimbaud qu'une sorte de kaléidoscope très personnel, où papillotait sous formes d'images le plus souvent visuelles (rarement olfactives à l'encontre de Baudelaire), le passé,
son passé : reflets de Rimbaud pour Rimbaud. On peut imaginer les jouissances incluses pour lui seul dans ces rappels de contingences mortes. On ne peut les partager. Comme tout procédé mental, cela ne vaut qu'au service de l'inventeur. Il serait injuste de lui en reprocher l'usage.
Il existe d'ailleurs en chacun de nous, et pour chacun de nos modes de penser, de vouloir et de sentir, une irréductible et forclose tanière que, de gré ou de force, de haine ou d'amour, nous ne pouvons entrouvrir à autrui. On peut se livrer, se donner ? Oui ! livrer des gestes et donner des grimaces. Pantomimes et mascarades de tréteaux ! Et derrière l'être baladin, le moi essentiel reste tapi dans le fond de son antre, et la tanière demeure inaccessible. Des amants seraient épouvantés si, au plus fort de la volupté partagée - quand la joie se répand, tellement une que les deux être proclament leur consubstantialité, - s'ils mesuraient l'infrangible barrière qui sépare les deux êtres sentants, et les séparera toujours malgré l'apparente harmonie de leur unique joie. Se comprendre, se confier, s'entendre ? Folies... autant espérer se perdre sans retour l'un dans l'autre par une thaumaturgie aussi incroyable que celle du yoghi s'absorbant en Brahma !

02/01

ce qui me rend plus fort
c'est ce qui me ronge à petit feu
les humeurs figées au moindre courant d'air
les phrases orphelines
qui ricochent sur les parois de mon crâne
dans un fracas métallique

ce qui me rend plus fort
c'est ce qui m'exaspère
l'horizon qui se perd
sous l'étouffant ciel d'or

polices utilisées :
corps : Degheest by Ange Degheest, Camille Depalle, Eugénie Bidaut, Luna Delabre, Mandy Elbé, May Jolivet, Oriane Charvieux, Benjamin Gomez, Justine Herbel. Distributed by velvetyne.fr.
titres : Basteleur by Keussel. Distributed by velvetyne.fr.