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janvier
deux mille vingt quatre

la gamme des fatalites

Eh bien, nous voilà dans la nouvelle année. Comme chaque début d’année, je suis un peu estomaqué d’avoir tenu jusque-là. On a tenu le coup, 2023 n’était clairement pas l’année la plus drôle, mais j’ai tout de même fait de chouettes rencontres, achevé mes études, avancé sur certains points. A un niveau plus général c’est indéniablement la merde, mais ça ne veut pas dire qu’on va pas arrêter de se battre, bien au contraire.

Ça fait aussi un an que j’ai commencé ce site (la première page du blog est sortie en janvier 2023). Je dois admettre que je craignais fort d’abandonner ce projet. Mais j’ai bien fait de ne me fixer aucune échéance et aucune contrainte de temps. Cela m’a en réalité permis d’abandonner le projet à de multiples reprises, mais d’y revenir à chaque fois, toujours aussi enthousiaste.

En 2024, j’espère faire plus de choses encore : un projet de roman est toujours là quelque part au fond de mon disque dur et j’espère pouvoir le développer ; je publierai souvent ici et ailleurs ; j’aimerais créer une revue de littérature/poésie/essais, je suis encore en train de réfléchir à la forme mais ça devrait voir le jour bientôt ; mes projets musicaux se multiplient et avancent doucement : un album pour Loyola, et de multiples collaborations sont en travaux.

J’espère que l’année 2024 vous permettra aussi de développer des projets et vous apportera de belles choses (et pas trop d’événements pourris).

J’espère que tous les membres du gouvernement vont soudainement s’étouffer dans leur sommeil et qu’on pourra construire un monde plus juste, qu’on n’aura pas honte de regarder.

J’espère qu’on pourra respirer et se lever à nouveau.

J’espère qu’on pourra s’aimer.

La Maison des Phantasmes · de nouvelles éclosions

Cette fois-ci, vous trouverez ici surtout des poèmes, une nouvelle et des fragments d'histoires... Je suis en retard comme d'habitude, et je pourrais dire que je n'ai pas eu le temps de raconter davantage ma vie ici mais je crois que c'est surtout que je n'en ai pas vraiment eu le coeur. Comme toute chose, ça reviendra.
J'ai aussi fait un petit mix pour m'entraîner (un pote m'a prêté une petite mixette mais bien évidemment je suis éclaté·e dessus), ça vaut ce que ça vaut mais ça peut accompagner votre lecture.

La nouvelle est peut-être la première d'une série ; j'ai hésité à l'intituler Le Premier Trou pour cette raison, mais je préfère ne pas faire de fausses promesses. D'autant plus que je ne sais vraiment pas trop ce qu'elle vaut (donc n'hésitez pas à me faire part de vos avis honnêtes). Vous en verrez peut-être d'autres du même acabit plus tard, peut-être pas...

Un soir

Il a la gorge nouée. L’odeur de shit n’arrange pas les choses, elle lui file automatiquement la migraine et remue la vase de ses souvenirs. Des images de soirées brumeuses lui reviennent, illuminées par la blancheur de l’évanouissement. Quelle vie, quand même. Il enfouit sa tête au creux de ses paumes et se frotte les yeux. Lucie le regarde avec compassion ; tant de choses ont changé pour lui, en l’espace de quelques heures… Il faudra bien qu’il s’y habitue, ou du moins qu’il fasse semblant.

Il a jeté son couteau au fond du parc, il y a bientôt un an, mais ses cicatrices n’ont pas disparu, lignes brillantes sur ses avant-bras délicats.
Pourquoi Léo l’a rappelé ? Quel sens donner à tout cela ?

« Ça va ? Tu veux y aller ? »
Il relève les yeux et croise le regard de Lucie avant de parcourir la pièce. Ils sont assis au bout du canapé, à côté de la porte du salon. Ils sont une petite dizaine dans l’appartement ; au balcon, deux gars fument un joint, en parlant apparemment du mémoire d’un des deux ; les autres, assis à la table, jouent aux cartes, interrompant parfois leur partie pour attraper la bouteille de vin, posée sur le bahut, à côté de la petite enceinte JBL qui diffuse un son de Zuukou Mayzie qu’ils écoutent en boucle, en ce moment.

Il soupire : « Ouais… j’ai un peu mal au crâne. Ça ne te dérange pas ? »
Bien sûr que non, répond Lucie en souriant.

Bon. Il va falloir se lever, remettre son manteau et ses chaussures, dire au revoir à tout le monde et s’assurer qu’on n’a rien oublié.
« Tu me mets un message quand vous êtes rentrés, hein ? Et n’oublie pas, écris-moi quand tu veux, je ne fais rien de spécial cette semaine. »

Ils sortent. L’air est glacial et ils ont une bonne demi-heure de marche pour rentrer, mais les retours de soirée sont toujours plutôt agréables, dans les rues totalement vides.

Le Trou

à la mémoire de Theodore Sturgeon

Comme tous les matins, Etienne Raizon quitta son appartement vers 7h40 pour se rendre au bureau. Son travail se trouvait quelques arrêts avant le bout de la ligne de tram. Ce matin, il n’avait pas de réunion, ce qui signifiait qu’il n’avait pas à se presser, et surtout il faisait grand soleil. Il brûlait d’envie de marcher, aussi il décida de descendre du tramway avant sa destination, et de faire le reste du trajet à pied. Il appréciait cette partie de la ville assez éloignée du centre, sorte de quartier d’affaires en gestation, où alternaient tours et chantiers au pied des montagnes ; l’ensemble formait un tableau plein de contrastes, où les grues s’opposaient à l’arrière-plan rocailleux.
Absorbé qu’il était par la cigarette qu’il essayait de rouler, il tâchait d’éviter les barrières des chantiers. Il continuait à marcher (fallait pas non plus trop traîner), et n’eut pas le temps de se dire qu’il fallait peut-être qu’il fasse plus attention à ce qui l’entourait qu’il avait déjà trébuché sur des gravats. Il lança le pied en avant pour tâcher de reprendre l’équilibre, mais le sol se déroba sous lui, et il chuta dans un grand trou qui occupait une bonne partie du trottoir et qu’il n’avait bien sûr pas vu, tout occupé qu’il était à rouler une clope qu’il ne pourrait pas fumer puisque tout le tabac s’était envolé.

C’était d’ailleurs un bien grand trou, en effet : jamais de sa vie il n’avait chuté comme ça. L’air tiède du sous-sol sifflait dans ses oreilles et il voyait de moins en moins autour de lui, au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans l’obscurité. Il ne savait pas, à vrai dire, s’il chutait lentement ou s’il pensait très vite : toujours est-il qu’il eut l’impression que sa chute dura une bonne minute. Il atterrit sans bruit sur un sol mou et humide, avec un « pouf » quasi-cartoonesque. Il se redressa après voir repris ses esprits, leva les yeux en espérant apercevoir la surface, mais ne vit absolument rien. Les ténèbres l’entouraient. Le contenu de ses poches s’était vidé dans la chute et se trouvait éparpillé autour de lui, et son cartable avait dû lui aussi atterrir à quelques mètres. Il tâtonna par terre pour tout ramasser, en espérant surtout mettre rapidement la main sur son portable pour mettre un peu de lumière dans ce foutoir.
Il effleura quelques mouchoirs sales qu’il récupéra vite pour les enfouir au fond de ses poches, ainsi que ses clés qui lui semblèrent particulièrement froides, et qu’il récupéra bien vite aussi. Il s’arrêta quelques instants. Il n’avait pas fait attention aux bruits, mais il n’entendait rien qu’un bruit de vent, comme un souffle léger, qui allait et venait.
Il continua à fouiller le sol et à tâtonner, avant de se figer.

Sa main, en se baladant sur le sol de terre grasse, avait fini par rencontrer… une autre main. Il avait touché une autre peau, et pire encore, cette main chaude avait répondu à ce contact, elle était en train de lui caresser tendrement le poignet et l’avant-bras. Etienne sentit tous les poils de son corps se hérisser d’un coup, et il crut que son cœur bondissant allait ressortir par sa gorge. Il était tétanisé (et on le comprend). Le pire dans tout cela, c’était le silence. Il n’entendait absolument rien, hormis la respiration timide et souffreteuse de la personne qui se trouvait très probablement au bout de ce bras (c’était cela, le curieux souffle qu’il entendait depuis le début), et lui-même était bien trop paniqué dire quoi que ce soit. Il aurait tout de même bien voulu hurler.

L’étrange main continuait de se promener délicatement sur sa peau, allant et venant sur le dos de sa main à lui, comme un amant promène tendrement ses doigts sur la peau de l’être aimé à qui il vient de s’abandonner. Mais il s’agissait là d’un être inconnu, et à défaut d’être hostile, tout à fait étranger. il finit par retrouver un semblant de présence d’esprit, et saisit le bras au poignet. Ou tout du moins essaya ; car ses doigts se refermèrent sur eux-mêmes. Cette main qu’il avait sentie… elle n’était plus là !

Ce fut à ce moment qu’un rire retentit, et qu’Etienne l’entendit parler pour la première fois.
« Ben alors, t’en fais une drôle de tête ! Faut pas avoir peur comme ça… » déclara la voix avec un ton moqueur. Etienne en fut un peu vexé. Il sentit encore une fois le contact d’une main tiède sur son avant-bras, fit un geste brusque pour le retirer avant de tenter encore une fois de se saisir de son interlocuteur, toujours en vain.
« Tsss, ça sert à rien mec ! Je peux te toucher mais pas toi. C’est la première fois que t’es là je parie, t’es tombé de tout en haut ? »
C’était une voix féminine semblait-il, mais qui semblait venir de très loin, avec un aspect un peu caverneux ou éthéré, qui semblait se réverbérer de tous les côtés.

« Qui… qui êtes-vous ? » Il ne put rien articuler d’autre.

« - Ha c’est bien ça, t’es complètement perdu en fait !
- Ben… euh… ou-oui… enfin, je marchais dans la rue pour aller au taf, et je… j’ai dû tomber, je pense… et je me suis retrouvé là… mais donc… vous êtes qui ?
- Bah, la Gardienne !
- La… quoi ?
- La Gardienne ! Enfin une des Gardiennes, j’ai bientôt fini mon quart d’ailleurs. Je sais pas comment tu t’es débrouillé mon pote, mais t’as atterri pile devant la Porte. »

Il était complètement sonné, et ne put marmonner qu’un « ha, super » distrait, comme s’il faisait mine d’écouter un ami trop collant ; tout cela ne faisait pas grand sens, et il n’arrivait pas à recoller les morceaux.

L’invisible Gardienne reprit la parole.
« Bon, écoute, moi je m’en fous mais faudrait pas trop traîner, on va bientôt venir me remplacer et ici c’est interdit aux Vivants et aux Entiers, tu risques de te faire taper sur les doigts si on te chope ici. C’est d’ailleurs censé être plus ou moins mon taf mais pour ce qu’on me paie, manquerait plus que je fasse du zèle tiens…
Pour te résumer le truc vite fait, si tu ne peux pas me voir c’est certes parce qu’on est dans l’obscurité totale là mais surtout parce que je suis plus vivante (c’est pour ça que tu peux pas me toucher non plus). Et t’es juste devant chez Nous, donc honnêtement tu ferais mieux de filer vite. Je vais te renvoyer là-haut, t’inquiète. J’aurais juste besoin que tu recules de quelques mètres. »

Les bras ballants, le regard dans le vide, tout balbutiant et gémissant, Etienne était complètement figé. Erreur 404.

« Allez, allez, bouge ! Reprends-toi un peu, t’es un grand garçon non ? »
Des main invisibles le prirent par les épaules, le retournèrent et le poussèrent un peu dans l’autre sens.
« Voilà, comme ça, nickel. Maintenant ferme les yeux, et ne bouge surtout pas (ça devrait pas être très difficile). »
Il tremblait comme une feuille.

« Allez ! Tiens-toi prêt… »

Etienne était prêt à tout, mais sûrement pas à ça : il reçut une grande paire de claques qui firent jaillir une pluie d’étincelles sous ses paupières et l’envoyèrent valdinguer au sol. Il poussa un grand cri qui ne rencontra pas d’écho.

Il lui fallut un certain temps pour reprendre ses esprits. Il sentait une pluie froide lui ruisseler sur la joue gauche, et ouvrit les yeux : il était étendu sur le côté, sur le sol dur, qui scintillait étrangement.
Ce n’est qu’en se relevant péniblement qu’il se rendit compte qu’il était sur le trottoir, et que le bitume ne faisait que refléter la lumière blanchâtre du lampadaire au-dessus de sa tête.

Bon, au moins, tout est revenu à la norm- attends, la nuit ?

Quand Etienne était tombé dans le trou, il était 8h ou 8h10… et son interaction bizarre avec le fantôme du sous-sol n’avait duré à tout casser qu’une dizaine de minutes… Tout ça n’a aucun sens putain, pensa-t-il en se frottant l’arrière du crâne. Il avait perdu sa sacoche avec son ordi du taf et toutes ses affaires (il eut une vague subite de panique en se demandant comment il allait bien expliquer à son manager qu’il faudrait recommencer le dossier Lambert à zéro), mais au moins il avait encore son téléphone, son portefeuille et ses clés. Il sortit son portable de sa poche et y jeta un œil : il était 18h40. Bordel…
Il avait une bonne vingtaine d’appels manqués et de messages furieux du taf.
En panique totale, Etienne se dirigea vers l’arrêt de tram pour rentrer chez lui, tout se préparant à appeler son boss pour lui expliquer une situation qu’il était tout à fait incapable de raconter.

Il est d’heureux hasards, comme celui qui m’a fait tomber il y a deux ou trois ans sur l’intégrale des romans et nouvelles de Theodore Sturgeon, collection Omnibus, dans un tas d’encombrants dans la ville de mes parents. Comme je suis spécialiste de l’accumulation de livres sans être jamais sûr·e de savoir si je les lirai un jour, je l’ai bien évidemment embarqué, sans rien connaître de son auteur ni de l’œuvre. Sur le coup, ça ne m’inspirait pas grand-chose et j’avais bien d’autres livres dans ma liste, donc je l’ai mis dans un coin de ma bibliothèque et je n’y ai plus vraiment pensé.
Voilà que quelques temps plus tard, grâce à la découverte d’Ursula Le Guin d’abord avec Terremer puis avec quelques livres de l’Ekumen, j’ai été pris·e d’un intérêt soudain pour la science-fiction, et notamment pour les débuts du genre (ou du moins, de l'époque de l’établissement de cette niche en véritable genre). Je suis retombé·e par hasard sur le nom de Sturgeon dans des anthologies de nouvelles (les éditions J’ai Lu des années 70 notamment, banger) ; je suis assez heureuxse d’avoir alors pu tout de suite me plonger dans la lecture de ses nouvelles. Il est assez peu connu auourd’hui et c’est bien dommage, étant donnée sa maîtrise absolue du fantastique sous toutes ses formes, et la diversité des sujets et des tons de ses histoires.
A l’instar d’Ursula, il utilise la fiction pour explorer la diversité des formes de relations humaines et chercher de comprendre sa propre existence (on trouve de nombreux liens avec sa propre vie, dans les personnages ou certains événements), avec un humour assez subtil pour couronner le tout.
Dans la mesure où je n'ai pas encore lu ses romans, je ne veux pas pousser la fraude plus loin et en dire davantage, je vous ferai sûrement une chronique plus détaillée plus tard, mais en tout cas je vous conseille vivement de vous pencher dessus si la SF et le fantastique vous intéressent.

Un matin

Un matin net, hors de toute attente ;
Voilà qui change. Des vêtements sont pliés, sur une chaise, exigeant d’êtres enfilés.
La valise est bouclée. Il est trop tard pour oublier quoi que ce soit. Comment a-t-elle fait pour être à L’heure ?
Elle ne se pose même pas la question – il n’y a plus de questions, depuis bien longtemps.
Encore un départ sous le ciel boueux ; espérons quitter pour de bon l’abîme de notre propre ventre.
Il faut se lever, se préparer tranquillement et franchir de nouveau le seuil de la demeure parentale :
Un effort, pour une fois, qui ne sera pas vain.

tu sais, j’ai
passé des années à
ne pas savoir
quoi faire
il m’a fallu si longtemps
pour comprendre qu’il
suffit de faire
semblant. c’est
ce que tout le monde
fait, c’est
comme ça que le monde
avance.
si nous cherchions à savoir quoi faire, et à faire ce qu’il faut,
le monde
serait paralysé.
je suis contente d’avoir fini par me rendre compte
de tout cela
contente d’avoir ramassé un masque sur le trottoir
en revenant du bar voilà bientôt deux ans
et de l’avoir endossé aussitôt.

Elle marche d’un pas déterminé, traînant derrière elle une valise en plastique rouge
Qui a l’air de faire deux fois sa taille.
Il n’y a presque personne dans le RER, à cette heure.
Elle aura une bonne heure d’avance
Il lui faudra traîner dans le hall 2 de la gare de Lyon
Mais c’est tout de même préférable
A l’angoisse du retard et des courses désespérées le long du quai

Dans le train, elle rêvasse et espère tant de choses.
Elle est contente de le retrouver, mais déjà un peu nauséeuse à l’idée de baiser ce soir. Elle ne sait pas si elle en a envie ou non. Elle sait surtout qu’elle n’arrivera pas à en parler, comme d’habitude.
Fermant les yeux sans même s’en rendre compte, elle s’endort soudain. Là voilà plus vite que prévu à la gare de Toulouse-Matabiau.

elle se dit j’aimerais me réveiller
un beau matin
et ne plus
être dans l’obscurité
j’aimerais me réveiller
dans un bain de lumière blanche
et l’harmonie la plus totale

C'etait *** avant

Chez mes grands-parents
On trouve des vieilles coupures de journaux
Dans les livres

Il y a de l'encre
Que les larmes avaient dissoute

J'ai la chance
De retrouver parfois
L'odeur des dimanches
Comme par accident

Je me prends les pieds dans le tapis
Des souvenirs
A force je m'y casserai les dents

♡ G D F ♡