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NOVEMBRE MMXXIII
grand doute filial

"Dépression clinique, phobie sociale, syndrome prémenstruel, trouble bipolaire, trouble anxieux généralisé, trouble de la personnalité, trouble borderline, syndrome de stress posttraumatique, syndrome de dépendance, syndrome de sevrage, syndrome d'Asperger, trouble dysmorphique du corps, trouble obsessionnel-compulsif, orthorexie, vigorexie, boulimie, anorexie, agoraphobie, hypocondrie, dysphorie de genre. Les syndromes ou états qui sont enregistrés dans l'actuel Manuel diagnostique et statique des troubles mentaux comme dysphorie nous permettent de faire une généalogie politique de la fabrication/destruction de l'âme dans la modernité, mais aussi de dessiner un cartographie des pratiques possibles d'émancipation : dysphoria mundi."

(Paul B. Preciado - Dysphoria Mundi )

Avant-propos

J’AI BEAUCOUP DE CHOSES A VOUS DIRE, ET MALHEUREUSEMENT JE SUIS TRES BORDELIQUE

C’est toujours bizarre, le monde : la lumière dans les feuilles des arbres, les dialogues ondulants des gens, le murmure d’une cascade ponctué de petits éclats de voix comme des reflets de soleil sur les gouttes. Le discret vrombissement du tram ; par moments l’effusion nerveuse de la cafetière.
Rien à branler de ce qu’ils veulent. Rien à branler de ce qu’ils pensent. Hélas, à leur grand désarroi, je n’ai pas beaucoup évolué pendant ces quatre années d’ESC [je ne peux toujours pas m’empêcher de contempler].

Je vais juste reprendre ce qui m’est dû : le temps et le silence.
Je vais lire et écrire, écouter et faire de la musique, et puis merde.
Réapprendre l’oisiveté fertile
Réapprendre la joie
Retrouver le rayonnement.

La première démo de LOYOLA est là !

Resuscitation Rehearsals (​.​.​.​and the scent of summer rains kept me from hurting myself​.​.​.​)

Cette entité voit enfin le jour pour de bon. Elle est très importante pour moi, et je suis particulièrement ému·e de pouvoir un peu officialiser les choses aujourd'hui.
Il me reste quelques exemplaires de la version cassette, que vous pouvez me commander en m'écrivant à scintillaeanimas@gmail.com ou en m'envoyant un dm.

Cette première démo est constituée de deux pistes d'une vingtaine de minutes chacune, improvisées cet été dans un état de confusion et d'hébétude, comme souvent.

J'essaie via ce projet de faire une synthèse totale de ma personnalité et de mes fantasmes esthétiques, spirituels et idéologiques.
Loyola est un prénom basque neutre (ou plutôt, ✨non-binaire✨). C'est aussi une référence à Saint Ignace de Loyola, et donc à mon prénom d'origine tout à fait jésuite, et à mes propres racines qui, pour le meilleur ou pour le pire, sont profondément catholiques. Je suis en train d'ouvrir un nouveau chapitre de mon existence, je commence à m'accomplir un peu plus et à me rapprocher de ce que je suis réellement - mais je ne me construis pas par rébellion, par esprit de contradiction. Avec ce projet et ce nouvel alias (en quelque sorte, cette réactualisation de mon identité) je tâche de réconcilier mes élans les plus contradictoires... dans une recherche désespérée d'une authenticité peut-être illusoire.

"Il ne faut pas nous désoler d’être seulement ce que nous sommes. L’aventure la plus prodigieuse est notre propre vie et celle-là est à notre taille. Aventure brève : trente, cinquante, quatre-vingts ans peut-être qu’il faut franchir durement, gréé comme un voilier cinglant vers cette étoile au grand large qui est notre repaire unique et notre unique espérance. Qu’importent coups de chien, tempêtes ou calme plat, puisqu’il y a cette étoile. Sans elle, il n’y aurait plus qu’à cracher son âme et à se détruire de désespérance. Mais sa lumière est là et sa recherche et sa poursuite font d’une vie humaine une aventure plus merveilleuse que la conquête d’un monde ou la course d’une nébuleuse."

« Ce silence, que les autres ne connaissent pas, c’est celui des nuits où la lumière nous a quittées. »
Capucine Delattre – Un monde plus sale que moi

J’ai lu récemment ce roman d’une science-piste de ma génération (i.e. plutôt jeune), qui a vraisemblablement beaucoup lu Ernaux. La lecture était d’une grande violence : la violence de comprendre une nouvelle fois ce que je savais déjà. La violence de ce que j’ai commis sans le savoir, tout comme celle de ce que j’ai subi.
J’aime son style un peu désincarné qui, justement, m’a rappelé Ernaux ou Eribon. Peu importent les visages, car le regard est tourné vers l’intérieur. La voix surgit de l’intérieur, et enfle dans ma gorge. Je crois que je serai toujours confus·e : plus je comprends les dynamiques, plus j’oscille. Seule reste la certitude rassurante d’être radicalement différente·e d’il y a 10 ans.
Je suis en tout cas très heureuxse de la découverte de ce livre, dont j’avais déjà vaguement entendu parler de l’autrice. Très heureuxse aussi de la rencontre providentielle de M., qui m’a prêté ce livre, qui ne cesse de rayonner, et à qui je dois déjà beaucoup.

J’apprends à dompter le temps qui, je m’en rends compte aujourd’hui, m’a toujours terrorisé et humilié. Par « dompter », entendre : l’accepter, l’accueillir, et n’en avoir plus rien à foutre.

L’autre soir, pendant que je jouais, j’ai fait l’erreur d’écouter un live de la Tronche en Biais sur la pédoriminalité. Un intervenant, engagé dans plusieurs associations sur le sujet, évoquait sa propre situation. En particulier, son amnésie traumatique et la résurgence de ses souvenirs… à 27 ans. Je ne me rendais pas compte que cela pouvait revenir si tard.
Depuis, j’ai peur.

J’en ai assez de ce poids. De cette asphyxie depuis des années. De mon regard que je ne peux arracher de moi-même ; je suis constamment occupée à scruter la brume au fond de ma gorge, et j’ai souvent du mal à me soucier des autres – ce qui, bien évidemment, ajoute à ce poids une dose de culpabilité.

une vie de coupures et de somnolences
coupures dans le cou à force de rasages forcenés et peu utiles
coupures autre part autrefois
je sais pas trop où j’en suis
y a trop de trucs à cramer
trop de discussions à avoir

On va reconstruire ; parce que l’avenir, je le veux, et on va le conquérir ensemble ; tous ceux dont, comme moi, le présent et le passé sont flous, fondus en une grande masse visqueuse dans laquelle on se noie.

J’apprends à aimer. Cela demande de renoncer à beaucoup de choses, et avant tout de battre en retraite : parce qu’aimer, ce n’est pas blesser. J’aime mes ami.es, et je tâche d’en rester là. Pour le moment, ça me va très bien ainsi.

Le lendemain, ou quelques jours plus tard, je suis sortie faire une petite balade to touch some grass. Du jazz libanais dans les oreilles, je suis montée dans les hauteurs, dans une petite transe joyeuse. Il faisait chaud, mais j’aime bien ça. Vais-je rapporter des punaises de lit chez moi si je m’assois sur la pierre chaude et que je m’y étale de tout mon long comme un petit lézard, pour absorber le soleil ?

« Il dut s’avouer qu’un instinct à coup sûr bien différent de sa conservation individuelle avait réglé à tout moment sa conduite depuis qu’il avait connu Heide et cru éprouver dès l’abord devant ce personnage à tous abords étrange un complet détachement personnel. Il lui fut à cet instant seulement peut-être perceptible que dans chaque être l’instinct de sa propre destruction, de sa propre et dévastante consomption, luttait, et sans doute à armes inégales, avec le souci de sa personnelle sauvegarde. »

Gracq, Au château d’Argol.

il me faudrait encore parler de mes lectures (Preciado, Plath!!!; van Vogt et Clarke - vive la SF); parler du dessin; parler de Grenoble et des rencontres : la joie de mes colocs, de M, T, M, W, et de mes ami.es francilien.nes ; parler de Mamé - la prière qui surgit du fond des tripes

"Aujourd'hui, enfin, la révolution électronique annoncée par William Burroughs dans les années 1970 est en train d'avoir lieu. Mais celleux qui portent des magnétophones sous leur trench-coats ne sont plus les jeunes garçons bourgeois blancs.

Les trench-coats sont tombés et les industries des télécommunications et de télé-consommation, désireuses d'étendre et de mondialiser leur clientèle (leurs « accro »), ont réparti de nouveaux et puissants enregistreurs, hacheurs et distributeurs de signes entre des corps qui, jusqu'à présent, n'avaient pas eu le droit d’utiliser des machines d’inscription — femmes, enfants, corps racisés, queer, trans, migrants, handicapés, travailleurs pauvres.

La miniaturisation des fonctions informatiques a permis, dans la deuxième décennie du nouveau millénaire, l'invention d’un nouveau symbiote politique associé à un petit appareil de consommation de masse relativement accessible : agrégat des fonctions de magnétophone, de caméra vidéo portable, mais surtout connecté au réseau cybernétique de l'Internet, le smartphone est devenu « l’arme de grande portée pour mélanger et renverser les lignes associatives établies par les médias de masse » dont rêvait Burroughs. Le corps individuel était un objet anatomique du xv° siècle. Internet, un espace virtuel caractéristique de la fin du xx siècle. Jusque-là, une faille ontologique les séparait. Ils étaient des modes d'existence hétérogènes : analogique contre numérique, organique contre inorganique, carbone contre silicium, métabolisme du glucose contre consommation d'énergie électrique. Le smartphone allait devenir le pont électronique portable qui permettrait de les unir, créant une nouvelle forme d'existence cyborg : le télécorps.

L'insurrection trans-cyborg a commencé.

Ce que les activistes de VNS Matrix appelaient le « virus du nouveau désordre mondial» n'était pas le SARS CoV-2, mais leur propre imagination insurrectionnelle propulsée par le réseau cybernétique, annoncée dans les textes de Monique Wittig et Ursula Le Guin, par la cyberfiction de Pat Cadigan et Octavia Butler, alimentée par la techno et le rap, par la voix et l'électricité.

Le cut-up de Darnella Frazier, la jeune femme qui a filmé et posté sur Internet l'assassinat de George Floyd aux mains de la police de Minneapolis, surpasse toutes les conjectures lysergiques de Burroughs.

Des milliers d’addicts numériques, des corps dysphoriques armés de téléphones portables, sont sortis de leurs cybercages, ont retourné leurs téléphones et filmé la police qui les encerclait. À Hong-Kong, alors que les téléphones portables « privés » étaient en train de devenir des caméras portables d’autosurveillance grâce à des applications de reconnaissance faciale, de suivi et de géolocalisation, les utilisateurs ont commencé à utiliser les applications de reconnaissance faciale pour filmer les visages des policiers qui les agressaient afin d'exposer publiquement leurs identités.

Maintenant, les soft machines, des symbiotes politiques dépendants en agencement avec des technologies pharmacopornographiques et cybernétiques, se lèvent. Le cut-up mondial est en cours."

(Paul B. Preciado - Dysphoria Mundi )

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